Parmi les sorties littéraires, Céline Estelle s’impose comme une voix singulière, libre de toute école, portée par une double formation peu commune : la rigueur analytique de la journaliste et l’acuité émotionnelle de la thérapeute qu’elle est depuis plus de deux décennies. Cette alliance rare donne naissance à une écriture instinctive, habitée, qui convoque chez le lecteur des réminiscences profondes et souvent oubliées. Ses personnages, d’une justesse troublante, évoluent dans des mondes sensoriels où affleure une vérité souvent tue : celle des émotions premières.
Dans L’été Gigi, c’est une adolescence vibrante qui renaît, aux accents de rockabilly et de Joy Division, au rythme d’une narration fine et nostalgique. Une œuvre qui susurre davantage qu’elle ne clame, et qui, dans cette retenue même, touche au plus universel. Il ne s’agit pas d’un simple roman d’apprentissage, mais d’un voyage intérieur — à la fois doux et remuant. Ici l’intime devient partageable, presque nécessaire.
Quelques questions à Céline Estelle
Vous êtes journaliste, thérapeute, coach, écrivaine… Comment toutes ces strates de vie nourrissent-elles votre écriture, notamment dans L’été Gigi ?
Mon parcours s’est tissé au fil des expériences, souvent choisies avec une intuition ferme. Je crois en moi, en mon ange gardien, en mon étoile du Nord… Pendant une douzaine d’années, j’ai exercé comme journaliste et reporter-photographe en presse écrite et digitale, en explorant des univers variés tels que les spiritualités contemporaines, les technologies maritimes de pointe, l’immobilier de prestige, l’architecture et le design d’avant-garde, ainsi que les nouvelles approches en développement personnel. Cela m’a appris à regarder au-delà des évidences, à me passionner aussi bien pour le tangible que pour l’invisible. Surtout, j’ai fait des rencontres humaines incroyables. J’ai d’ailleurs rencontré mon mari, mon âme-sœur, lors d’une enquête familiale qui m’a menée dans le secteur de la marine marchande française.
Depuis 1999, je travaille à mon compte dans la communication relationnelle et le développement humain. J’ai ouvert ma première agence à Paris en 2000, près de la Place de la Nation, puis me suis, peu à peu, tournée vers l’Accompagnement thérapeutique et la relation d’aide. Aujourd’hui sophrologue, à Vichy, j’interviens également dans des structures éducatives et sociales. Ce sont là des postes d’observation intimes de l’âme humaine, qui nourrissent naturellement mes récits.
Je crois n’avoir jamais attendu pour vivre. J’ai étudié sur les plages de Crète et de Los Angeles pendant que d’autres s’enfermaient dans les amphis. Le fait d’être bilingue depuis mon jeune âge m’a permis de repousser les frontières. Cette liberté d’esprit, ce refus de différer les élans, transparaît forcément dans mon écriture. J’avance sans me soucier des attentes ou des tendances. J’accorde un intérêt humain et thérapeutique aux autres dans le cadre de mon métier mais je suis incapable d’écouter leur opinion, leur avis… Les « tu devrais » ou « si j’étais toi » m’excèdent car je suis extrêmement consciente du fait que chacun est une pièce rare et unique ! Je ne supporte cette forme d’intrusion que des gens qui s’ennuient dans leur propre vie tentent d’exercer sur les personnes alignées. Et cela donne, je crois, une teinte très particulière à mes romans !
Que cherchez-vous à éveiller chez vos lecteurs ?
Rien, précisément. Je n’écris pas pour produire un effet, mais parce qu’une histoire m’habite et réclame de naître. Si les lecteurs s’y reconnaissent, s’ils sont touchés, c’est peut-être parce que certaines émotions — celles du premier émoi, du manque, de l’élan contrarié, allez savoir — sont universelles…
Je suis reconnaissante d’avoir un éditeur qui respecte cette liberté, et ne m’impose ni forme spécifique ni formatage. Depuis mes débuts, je m’affranchis des validations extérieures : je ne cherche pas à plaire, mais à rester fidèle à ce qui me traverse. C’est, je crois, ce qui me permet d’écrire depuis plus de vingt ans sans me lasser.
Vous parlez d’authenticité. Comment cela se manifeste-t-il dans votre style ou à travers vos choix littéraires ?
Je suis restée proche de l’enfant que j’étais — insoumise aux modèles mais paradoxalement « tradi ». À dix ans déjà, j’envoyais des maquettes de chansons aux maisons de disque. Je rêvais de vivre ailleurs, d’écrire, d’explorer l’Inde, l’Amérique, ce que j’ai fait plus tard… J’ai toujours préféré suivre mon propre tempo que celui des autres…
Mon écriture s’inscrit dans cet axe : je ne cherche pas la conformité, ni même à me situer dans une tradition littéraire. Ce qui m’importe, c’est la sensation que l’écriture me procure. Si cela ne vibre pas, je n’écris pas. Si cela jaillit, je n’entrave pas. C’est une posture d’écoute intérieure, davantage qu’une posture d’auteur.
Le décor de vos récits est souvent imprégné de vos voyages et quêtes spirituelles. Est-ce aussi le cas pour L’été Gigi ?
Curieusement, non. L’été Gigi est né d’un rêve – littéralement. J’ai rêvé que j’assistais à la projection d’un film portant ce titre. Tout y était : le scénario, les dialogues, la lumière. Mon inconscient a livré le manuscrit dans sa version la plus pure, presque sacrée. L’histoire s’est imposée, ancrée à Dormans, avec ses personnages, ses gestes, son rythme. J’ai respecté cette vision. Parfois, l’écriture se contente de transcrire ce qui est déjà là.
Quel conseil donneriez-vous à un auteur qui débute ?
D’apprendre à se taire pour mieux s’entendre. De ne pas craindre la solitude, ni les détours. D’oser vivre avant d’écrire, car c’est dans le réel — le rugueux, le lumineux, le trivial — que l’on puise. Et surtout, de ne jamais se mesurer aux autres. Ce n’est pas dans la comparaison que naît une œuvre, mais dans l’alignement à Soi. C’est ma plus forte conviction !
Comment votre entourage réagit-il à votre multiplicité artistique ?
Avec le temps, mon entourage s’est affiné. Par ailleurs il faut avouer que je suis incapable de passer une seule heure avec quelqu’un qui m’ennuie (rires). C’est au-delà de mes forces… La personne en face doit nourrir mon âme, même lors d’un simple voyage en train ou en avion. Franchement, dès que je suis en extérieur avec une personne qui ne m’apporte pas l’étincelle, je commence à rêver de rentrer dans ma maison rose (rires) ! Après, vous savez, les âmes libres attirent… ou déstabilisent ! Il y a ceux qui plébiscitent les âmes alignées, et les autres qui, par confort ou incompréhension, les réduisent à des « hyperactifs». Mais vous savez, notre époque a du mal à accepter une femme qui crée sans autorisation, sans attente, sans excuse. Notre monde ne sait que faire d’une femme qui s’accomplit sans demander la permission, sans quête d’approbation ni besoin de bénédiction ! C’est une vérité brute, souvent tue. C’est pourquoi toutes mes héroïnes larguent les amarres, déchirent les voiles ou transpercent la toile : elles refusent les cadres, les carcans, les silences imposés. Elles avancent, entières, même lorsque cela dérange — surtout lorsque cela dérange !
Les encouragements les plus sincères me viennent de mes lecteurs. Certains m’écrivent avec une chaleur bouleversante — je possède une boîte en métal dédiée aux courriers reçus ! Ces témoignages ont, pour moi, une valeur inestimable. Ils prouvent que le lien existe, qu’il circule, et qu’il dépasse largement les cercles convenus.
Et demain ?
Un nouveau roman a été accepté par mon éditeur. Un texte aux confins du psychologique et de l’imaginaire, que je porte depuis longtemps. Sa publication est prévue d’ici un an. En parallèle, je finalise un récit plus léger, qui explore les coulisses mordantes du monde de la lingerie. L’humour y flirte avec une critique sociale bien sentie… Ce n’est qu’un début. L’écriture continue ! Et quelque chose me dit que le plus inattendu reste à venir…
Acheter L’été Gigi sur le site de l’éditeur
Le site littéraire de Céline Estelle
